PARIS MEURTRI MAIS PARIS DEBOUT

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La France a une nouvelle fois été frappée par la barbarie et la lâcheté. Je me joins à vous tous pour exprimer mon effroi et ma compassion aux victimes de cette abominable tuerie. Nos cœurs se tournent vers les victimes, leurs familles, et tous ceux qui, à cette heure, sont dans l’angoisse, la peine et le deuil.
Cette nouvelle attaque terroriste a visée Paris, la France et son modèle de société, fait de diversité et de pluralité, de rencontres et de mélanges. C’est cette société ouverte que la terreur voudrait fermer; la faire taire par la peur et l’horreur. C’est nous tous, qui étions dans le viseur des assassins. Les terroristes auteurs de ces carnages sont armés par une idéologie totalitaire, dont le pseudo discours religieux sert d’argument pour tuer toute pluralité, effacer toute diversité, nier toute individualité. Au-delà de la France, de sa politique étrangère ou de ceux qui la gouvernent, leur cible était cet idéal démocratique d’une société de liberté, une société égalitaire en droit sans distinction d’origine, d’apparence, de croyance. Un idéal où chacun peut faire son chemin dans la vie sans être assigné à sa naissance ou à son appartenance. Une société de libertés individuelles et de libertés publiques. Prendre la juste mesure de cette menace, c’est évidemment mesurer aussi le défi que nous ont lancé les commanditaires des assassins. C’est cette société ouverte que les terroristes veulent fermer, afin qu’elle se replie, se divise et s’égare.
C’est l’avenir de notre société multiculturelle et libre qui se joue maintenant, il est très difficile de combattre ce type de menaces asymétriques sans fragiliser une société ouverte, tolérante, et accueillante vis-à-vis de l’autre, vis-à-vis de celui qui frappe à notre porte. Tout l’enjeu est de savoir ce que nous voulons être, ce que nous voulons devenir. Daesh ne peut pas gagner cette guerre. Daesh ne pourra jamais conquérir la France, l’Europe.ou le monde. En revanche, les terroristes peuvent semer la terreur et la confusion afin de nous diviser. Nous devons surmonter notre peur et préserver notre capacité à vivre ensemble, éviter le piège tendu par les terroristes. Ne nous engageons pas non plus dans une guerre perpétuelle et sans fin, car la haine nourrit la haine. Ce serait alors le succès de Daesh. La politique de Daesh, c’est celle de la terreur et du repli sur soi. Alors évitons la démagogie, il n’y a pas de civilisations qui s’affrontent, il n’y a pas de « clash des civilisations », parce que ces criminels ne représentent aucune civilisation. Nous sommes dans une nouvelle conflictualité globalisée et nous ne gagnerons ce combat que si nous ne sacrifions pas qui nous sommes: une société libre, égalitaire et fraternelle. Il faut nommer le mal, et ce qui doit être combattu, c’est une idéologie fondamentaliste et totalitaire qui doit être vaincue. Épargnons nous les amalgames simplistes et dangereux. Ce qui doit être combattu, c’est cette idéologie mortifère qui tente d’avilir et de pervertir la religion musulmane.
Quels que soient les contextes et les époques, le terrorisme parie toujours sur la terreur. La peur qu’il répand dans la société, la politique de la peur qu’il suscite au sommet de l’État, avec pour conséquence, une fuite en avant où la terreur totalitaire appelle l’exception démocratique. Une guerre sans fin, sans front ni limite, sans autre objectif stratégique que sa perpétuation, attaques et ripostes se nourrissant les unes les autres, causes et effets s’entremêlant à l’infini sans que jamais n’émerge une issue pacifique. Aussi douloureux qu’il soit, il nous faut faire l’effort de saisir la part de rationalité du terrorisme. Pour mieux le combattre, pour éviter son piège, et ne jamais lui donner raison, par inconscience ou par aveuglement. Ces terrifiantes logiques meurtrières ont pour objectif de provoquer par la terreur un chaos encore plus grand dont les terroristes espèrent, en retour, un gain supplémentaire de colère, de ressentiment, et d’injustice. Nous le savons, d’expérience vécue, et récente, tant la fuite en avant nord-américaine après les attentats de 2001 est à l’origine du désastre irakien d’où a surgi l’organisation dite État islamique, née des décombres d’un État détruit et des déchirures d’une société violentée et meurtrie. Ces attentats sont en grande partie liés à ce processus historique qui s’est accru avec les interventions hasardeuses en Afghanistan, en Irak, en Libye, et ailleurs et qui ont toutes attisées et exacerbées les tensions. Tirons les leçons de ces expériences désastreuses : les choses n’ont fait que s’aggraver en dix ans, l’insécurité et l’instabilité sont pires en Libye, en Afghanistan, en Irak, ou en Palestine. Toutes ces guerres menées depuis des décennies ont conduit à l’échec, en particulier depuis l’Afghanistan.
Saurons-nous apprendre de ces erreurs catastrophiques, ou bien allons-nous les répéter ? C’est peu dire qu’à cette aune, dans un contexte de crises déjà cumulatives économique, sociale, écologique, européenne, notre pays vit un moment historique où la démocratie redécouvre la tragédie et la fragilité. Et l’enjeu immédiat se joue ici même, en France.
Nous savions, au lendemain des attentats de janvier, que les véritables épreuves étaient à venir. Mais, collectivement, nous ne saurons résister durablement à la terreur qui nous défie si nous ne sommes pas maîtres des réponses qui lui sont apportées. Si nous ne sommes pas informés, consultés et mobilisés. Si l’on nous dénie le droit d’interroger une politique étrangère faite d’alliance avec des régimes dictatoriaux, d’aventures guerrières sans vision stratégique, de lois sécuritaires dont l’accumulation se révèle inefficace, tandis qu’elles portent atteinte à nos libertés, de discours politiques de courte vue et de faible hauteur sur l’islam notamment, avec ce refoulé colonial de « l’assimilation », qui divisent plus qu’ils ne rassemblent, qui alimentent les haines plus qu’ils ne rassurent, qui exacerbent les peurs plus qu’ils ne mobilisent. Mais au-delà des critiques, ne laissons pas la haine s’emparer de nos cœurs comme le souhaitent les extrémistes. Par-dessus tout, restons unis ensemble et solidaires, rejetons les amalgames et, en particulier, n’acceptons pas que nous soyons triés d’après nos ethnies ou nos religions, car aucune n’est coupable dans cette circonstance. Enfin, ne tombons pas dans le piège de la surenchère, surtout quand ces assassins veulent pousser notre pays dans l’abîme. Notre liberté et notre démocratie, voilà ce qu’il faut défendre, car elles sont notre plus durable protection. Face à la terreur, nous ne devons jamais abdiquer. C’est une déclaration de résistance et d’insoumission que nous devons opposer aux terroristes assassins.
Le chemin sera long et douloureux et il y aura probablement encore des jours douloureux et des nuits sombres. L’ignorance et l’obscurantisme resteront encore pour longtemps le terreau propice pour faire s’épanouir la bêtise humaine. Mais la voie de la violence et de la haine ne résoudra jamais les problèmes de l’humanité . Non, nous n’avons pas peur. Sauf de nous-mêmes, si nous y cédions. Au delà de la bouleversante émotion que nous partageons tous, restons debout, ensemble, dans un combat long et difficile. L’enjeu est immense. Il tient en trois mots : Liberté Égalité Fraternité.